Les sacs de ravitos sont prêts, toute la diététique de la course, menée de main de maître par Stéphane est au point. J'ai une confiance illimitée en Stéphane, tant sur cette question délicate que sur la gestion de la course. Sa présence est un confort majestueux pour moi...
Moi qui suis beaucoup plus instinctif, fonceur, j'ai besoin d'un équilibre et je sais déja que sans sa présence, je serais emputé de sa science, de son experience et surtout de ses qualités de stratège.
Evidemment, cela fait un mois qu'il ne se passe une journée sans que j'ai une pensée pour cette course. 8 mois de préparation, à raison de 5 entraînements semaine... Soit 1 de plus par semaine que l'année dernière...
Toute cette préparation s'est passée à merveille, sans blessure, dans un équilibre parfait concernant le travail de la vitesse, l'endurance, le renforcement musculaire. J'ai une confiance illimitée en Eric qui gère ma préparation physique.
Tous les voyants sont au verts, mise à part peut être un rythme de vie effrenné qui parfois me pèse un peu et me fatigue beaucoup. Jusqu'au dernier moment, il me sera difficile de me reposer à ma guise tellement la charge de travail à l'Echappée belle est important. Cependant, je suis optimiste, Eric et Stéphane aussi, concernant la course que l'on va faire.
Petits dejeuners, derniers préparatifs, sieste et nous voila prêt pour le grand voyage.... Que va t'il se passer durant cette course??? Cette question me traverse l'esprit plusieurs fois durant cette journée... Avec Gilles et Audrey, on se remémore les différents points de ravitos perso et tentons de prévenir toute situation délicate qui pourrait surgir de nulle part.
Nous entrons dans le stade, et suite à quelques ennuis de transport, nous nous retrouvons loin de la ligne de départ... Cela n'était pas prévu mais nous pouvons nous rapprocher un peu tout de même... L'ambiance est bonne, prévision météo plutôt optimiste, il ne reste que 5 min avant le départ... Nous nous serrons les mains avec Stéphane, David (mon frère), et son copain Cédric en nous souhaitant une belle course, une belle aventure et beaucoup de plaisir.
Je prévois donc de partir avec Stéphane, David et Cédric seront certainement avec nous un petit moment puis nous nous quitterons au bout de quelques dizaines de minutes..
Départ en trombe, avec quelques piétinements au départ. Nous sommes 500ème et nous nous faufilons comme nous pouvons pour gagner des places sur la route avant l'engorgement prévu au départ du sentier et de la montée sur le volcan. Il y a une foule considérable sur le bord de la route et cela nous fait oublier un moment la pluie qui s'abat déja sur nous...
David et Cédric nous accompagnent un petit moment puis nous laissent partir avec Stéphane. Nous rattrapons énormément de coureurs durant cette partie qui nous mène au pied du sentier. Nous partons un peu vite et par deux fois, avec Stéphane nous concluons à un ralentissement de notre vitesse, cela me fait du bien...
Enfin le ravitaillement arrive, tout est prévu, nous devons juste remplir le bidon, la poudre est déja mise. Arrêt de quelques secondes et la montée est là, devant nous, terrible...
Nous l'attaquons donc avec patience, courage et un bon rythme. Tout se déroule comme prévu. Le froid arrive lorsque nous ne sommes pas loin du sommet.
Nous enfilons nos vêtements de pluie mais sommes complètements frigorifiés lors de notre arrêt de quelques minutes au ravito de foc foc. Il pleut des cordes, il y a du vent, nous n'avons pour l'instant pris aucun plaisir depuis le départ de la course.... C'est dur!!! on se pose des questions... Stéphane tremble de tout son corps, nous nous aidons mutuellement et repartons le plus vite possible afin de ne pas sombrer... Il ne doit faire en effet que quelques degrès. Nous ne savons pas le temps que nous avons mis jusqu'ici ni notre classement mais cela est la dernière de nos préoccupations...
Nous repartons en direction du volcan, pétrifiés du froid qui nous transperce les os. Nous courrons tout le long afin d'essayer de se réchauffer le plus possible, la pluie ne cesse que rarement, la visibilité est difficile et malgré la connaissance du parcours, nous nous trompons par 2 fois... Enfin nous entendons la musique, le ravito approche. Nous pointons, prenons un thé, échangeons quelques mots avec 2 ou 3 connaissances et filons dans cette nuit glaciale.
La descente arrive...technique, scabreuse, il faut être vigilant car une chute ici pourrait anéantir nos ambitions de départ.. Le revêtement sur cette lave est très coupant...
Stéphane est devant et je trouve qu'il mène un rythme d'enfer, il relance et court dans toutes les remontées, j'ai l'impression qu'il ne se rend pas bien compte de la difficulté de ce qui nous attend aujourd'hui..ou alors est il vraiment plus fort que moi...? je me pose la question... Je lui fait une remarque, il en prend conscience tout de suite et ralentit quelque peu l'allure.. En même temps je ne veux pas le freiner, je suis donc un peu réservé sur l'attitude à adopter.
Le ravito est là devant nous, purée, on a pas traîner et je sais déja que l'on doit être bien en avance sur nos prévisions.... Est ce une bonne chose....?
Gilles est là, avec Fred, belle surprise! Ils nous tendent nos bouteilles qui nous permettrons de rejoindre Mare à boue. On échange rapidement, ils nous encouragent et en moins de temps qu'il ne faut pour le dire nous filons sur la redescente.
Changement de décors, nous entamons une partie à travers les paturages, avec beaucoup de boue, très glissante, je me sens parfaitement à l'aise dans ces portions, je me mets donc en tête afin que Stéphane puisse me suivre sans prendre trop de risques.
Nous nous alimentons à la perfection depuis le début de la course grâce aux différentes barres énergétiques (salées, sucrées, protéinées). Stéphane m'a expliqué que si l'on respectait les quantités prévues (une par heure en moyenne), nous ne puiserons jamais dans nos réserves et pourrons donc continuer d'imprimer un rythme régulier sans jamais fléchir.
Il m'est difficile d'avaler autant que lui et j'adapte les quantités selon mes possibilités. Je suis plutôt sur des bases d'une demie, voir ¾ de barre par heure. La descente se passe très bien, pas de fatigue particulière pour l'instant. Nous arrivons à Mare à boue ou nous attendent Gilles et Fred.
Gros ravito ici en barres, boissons énergétiques car nous serons seuls jusqu'a Cilaos, soit pour plus de 4h30 d'effort. Nous prenons donc tout le necessaire, comme prévu, et filons au bout de 4 ou 5 minutes.
Le froid est encore intense mais bien moins qu'au volcan et cela fait du bien. De plus, le lever du soleil n'est pas loin...
Au moment du départ, Sergio nous aperçoit et nous encourage de folie, je suis ravi de le voir, son enthousiasme nous fait du bien. Le temps est toujours exécrable mais nous commençons à nous dire que si les conditions de courses se durcissent, cela sera à notre avantage car nous avons un mental de folie et les mecs devant vont tomber comme des mouches.
Nous n'avons toujours aucune idée de notre classement à cet instant mais cela ne nous préoccupe pas du tout. De toute façon, nous n'irions pas plus vite, pas moins vite, alors quelle importance !
Cette portion est une alternance de chemin en faux plat et montées plus raides, avec des portions où l'on peut courir et d'autres où il faut marcher rapidement. Nous prenons notre rythme, commençons toute la 1ère partie en courrant car nous savons qu'à partir de la montée, il nous faudra marcher longtemps.
Stéphane imprime un rythme rapide, trop rapide pour moi par moment et je le laisse prendre de l'avance. Heureusement par moment cela devient très technique, notamment lors d'une descente, cela me permet de revenir rapidement.
Je suis toujours vigilant à manger régulièrement mais soudain les premiers signes d'une hypoglycémie surgissent. Je me jette sur une barre énergétique, j'ai très faim tout d'un coup mais j'ai la lucidité de manger lentement, de réduire mon allure et de ne manger qu'une barre...
je passe un moment difficile mais au bout de 15min, tout rentre dans l'ordre. Stéphane n'en saura rien !!
Enfin, la montée s'achève, nous apercevons le gîte du piton des neiges...quel bonheur!!! Nous pointons et on nous annonce dans les 50, 60, on ne sait pas trop précisemment mais qu'importe !! Les ravitailleurs nous trouvent très frais comparés à ceux qu'ils on déja vus, et très joyeux et plaisantains... Mais bien sûr les enfants.... Enfin, voyons !!!! J'adore la partie qui arrive, La famille et amis sont en bas, quel plaisir de bientôt les retrouver après près de 13h de course !!
Nous entamons la descente du bloc. Allure normale, pas trop rapide mais sans traîner... Je me mets devant comme convenu avec Stéphane depuis le début de la course.
Au 2/3 de la descente, alors que tout se passe à merveille, Stéphane loupe un virage et se retrouve dans le vide, accroché à une racine. Le coureur que l'on venait de doubler lui tend la main et nous repartons. Plus de peur que de mal finalement..
Je décide de ralentir l'allure légèrement, il n'y a pas beaucoup à gagner et beaucoup à perdre me dis je...
Nous arrivons enfin sur la route goudronnée ou l'on entend des cris d'encouragements... Arnaud, un ami est là avec sa famille, il nous accompagnera sur les 2 ou 3 kms de route qui nous mène au stade. C'est un plaisir de le voir, il nous dit que l'on fait une belle course, nous confirme que l'on doit être dans les 60ème...
Le stade enfin, le pointage, pas de temps à perdre, nous allons rejoindre la famille et amis, sous l'oeil avisé et la caméra de Thierry!!!! Thierry est un ami de l'Entre deux qui participe à la réalisation du film du grand raid... Petite interview improvisé.... très sympa!!
C'est un moment important pour moi que j'attends depuis de longues heures. Se retrouver en famille me ressource. Cependant, je sais que nous ne resterons que quelques minutes, j'en profite un maximum mais le temps de recharger les sacs, quelques mots et c'est le départ. (8 minutes exactement...)
L'arrêt à Cilaos étant court, je me dis que nous avons dû gagner des places... Descente jusqu'à la cascade bras rouge, la température change et c'est vite la fournaise ici.... Nous sommes au pied de l'immense montée qui nous enmènera jusqu'au col du taibit. Nous montons d'un bon rythme, mais Stéphane plus rapide, prend le large. Je ne m'affole pas et pressent qu'en fait il veut prendre de l'avance pour organiser le ravito qui sera conséquent puisque nous nous retrouverons sans assistance personnelle pendant 4 bonnes heures. Effectivement, nous avions pensé la même chose....
Lorsque nous arrivons au pied du taibit, l'ambiance est excellente, beaucoup de connaissances, de la musique, tout le monde s'affaire, l'aide est importante, je me sens vraiment bien, je suis tellement bien physiquement, je n'ai aucune appréhension de mafate et du reste du parcours...
Nous serons restés 5 petites minutes peut être... Le rendez vous est pris avec Audrey et les amis dans....10h au Maido, soit ce soir vers 21, 22h...
Pour la première fois depuis le début de la course, lors de cette montée du taibit, je me dis que l'on est super bien classé, je n'ai pas envie de me faire doubler...
Nous montons super bien et arrivons très vite au col avant de basculer sur Marla. Aucun souci... Je me remémore pendant le ravito, l'année dernière, l'état dans lequel j'étais et je repensais la galère que j'avais commencer à vivre à partir de ce moment de la course. Cette idée de galère ne m'effleure même pas l'esprit aujourd'hui...
Quelques minutes nous suffisent au ravito, nous filons au plus vite vers le col de fourche.
Montée très raide après Marla mais assez courte, mais nous ne sommes jamais fatigués anormalement... Pas de douleurs particulières.. Enfin nous passons le col de fourche, en compagnie de Néréa (une des favorites féminine de la course, 3ème à cet instant), puis la quittons lors de la longue descente vers le départ du sentier scout.
Enfin le ravito, Gilles est là, purée, 3h de bagnole pour venir nous apporter son soutien psychologique ainsi qu'évidemment les barres, la boisson énergétique. Son soutien est considérable, il a suivi notre progression depuis ce matin 4h du mat lorsqu'il était a Piton textor. Il nous confirme notre classement, 34ème... ”Putain, vous faites une course énorme les gars” ... Ce n'est qu'à cet instant donc, que je prends conscience effectivement que nous avons un super classement mais bizarrement je ne trouve pas cela exceptionnel.
La descente est interminable, elle nous plonge dans le cirque de Mafate et une douleur au genou vient me titiller. D'autre part, je commence à souffrir de courbatures au quadriceps et mollets.
Je ne suis pas “cassé”, mais c'est comme des grains de sables qui viennent enrayer la bonne marche de la mécanique. Evidemment, pas un mot à Stéphane, ce n'est jamais le moment de parler de sensations négatives, d'alimenter des douleurs. Il ne faut pas tomber dans ce piège !
Cependant, la douleur est de plus en plus importante et je préfère le laisser passer devant et m'accrocher à ses talons. Après une petite remontée de ravine, nous arrivons au ravito d'ilet à bourse. Là encore, des visages connus, c'est bien, nous ne sommes que très rarement dans l'anonymat. On nous encourage mais sans plus, c'est plutôt le désert ici, pas grand monde...
Nous filons au bout de 3 minutes à peine. Prochaine étape Grand place, avant le MUR de 1700 de D+, je commence à y penser...
Nous plongeons encore dans une ravine avant de remonter de l'autre coté. Nous n'avons aucun souci à encaisser ses remontées, en plus je n'ai pas mal au genou dans les montées, du coup je me mets à les adorer.
Une descente énorme sur Grand place finit par me faire douter quelque peu tellement la douleur se réveille. Je ne peux suivre Stéphane qui fait la course en tête, j'arrive quelques minutes après lui.
Là encore, un ami est là, également l'ancienne instit de ma fille, génial, on nous encourage, les bénévoles sont au petit soins pour remplir gourdes et nous servir à boire et manger.
Nous ne traînons pas comme d'habitude, remplissons à bloc nos camels car l'étape jusqu'à Roche plate est énorme.
Première montée jusqu'à grand place les hauts, puis descente vertigineuse jusqu'à la roche ancrée (500M d'altitude) puis remontée terrible qui n'en finira jamais avec des marches monstrueuses jusqu'à roche plate.
Je sais que Stéphane craint cette montée, je souhaitais me mettre devant afin de donner un rythme et le soulager mais mon mal au genou ne me permet plus de descendre devant et c'est lui qui attaque la montée.
Nous sommes toujours en compagnie de Neréa, avec qui nous jouons à nous doubler et redoubler. En fait on la largue dans les descentes et elle nous rejoint au ravito et nous passe car elle ne s'arrête jamais.
Sans nous en rendre trop compte, la nuit fait son apparition et c'est donc de nuit (comme prévu) que nous monterons Roche plate et le maido. Cela est un vrai soulagement car monter ici en pleine chaleur doit être terrible.
Je glisse à Stéphane que nous n'avons plus qu'une nuit à tenir afin de faire une performance extra...
Il faut maintenir le rythme, me dit il, pas beaucoup d'arrêts, très régulier... Je profite de mon tel pour appeler Audrey et lui faire part de mon souci au genou.
Je souhaite qu'elle se procure du froid, des anti inflammatoires... Le téléphone se met à trembler sans arrêts et je remarque que j'ai une quinzaine de textos... J'aimerais les lire afin de me donner du courage mais c'est compliqué...Tant pis, je m'en passe!!
La montée se passe bien, effectivement, elle est très longue, très dure mais nous ne sommes pas obligés de nous arrêter pour reprendre des forces. Nous la faisons donc complètement sans arrêt afin de rejoindre une partie valonnée de 25 min. Je me rappelle lors de la reco, Stéphane qui disait qu'ici, nous allions courir....Et ben oui, nous repartons en trotinant, poussant le vice de ne pas marcher sur les petites parties remontantes....
Nous avons encore pas mal de force!!!!
Nous rattrapons 2 coureurs, dont Carine Herry, 2ème féminine, qui visiblement est très mal en point.. Super, on progresse dans le classement!!
Enfin le boucan du ravito nous soulage. L'année dernière ici même, j'étais dans un état mental méconnaissable, au fond d'un rempart, sans pouvoir surmonter quoique ce soit. Aujourd'hui, pas le moindre doute m'envahit quand à l'issue de la performance que l'on va faire...
Nous sommes acclamés à notre arrivée. Pendant que Stéphane gère le ravito, je me fais soigner par un kiné, qui me met un gel glacial. Petit ravito express, la encore, des visages connus, des encouragements et nous filons dans la nuit.
Je sais que dans 2h, tout au plus, nous serons là haut. Audrey, mes parents, Mathilde et Tristan, Mathilde, Gilles nous attendent. Ile ne sont qu'à 3 ou 4 kms, mais 900m plus haut.. Nous nous attaquons au MUR du Maido...
Si nous ne connaissons pas de défaillance durant cette montée, alors nous serons pas loin de pouvoir nous maintenir à ce classement jusqu'à l'arrivée car après les difficultes sont moindres.
Je me place en tête car cela fait très longtemps que Stéphane est devant et je tiens à mettre également mes qualités à son service. Le rythme est bon, pas extremement rapide mais correct.
Nous entendons là haut les cris d'encouragements des supporters. Cela me paraît très loin, mais finalement après 1h45 d'effort nous y sommes. Sans aucun arrêt depuis Roche plate, nous n'aurons connu aucune defaillance dans Mafate. Du reste, aucune défaillance depuis le départ.
Surprise à la sortie du mur du maido, Audrey et la famille sont inquiets de ne pas me voir. Stéphane et Néréa arrivent mais Seb (qui en fait s'est arrêté pour un besoin naturel) ne montre pas le bout de son nez... Stéphane les rassure de suite... J'arrive à mon tour, l'ambiance est bonne, pas mal de monde...
Franchement, à cet instant, je ne ressens aucune fatigue particulière, anormale. Je suis d'attaque pour continuer, sans éprouver le besoin de m'arrêter. Notre entourage d'ailleurs nous trouve relativement en “bon état”, avec une bonne mine...
On est en train de se rendre compte que l'on est toujours en avance sur nos prévisions des reco. Sauf que là, on enchaine les étapes alors qu'en reco, nous avions une nuit de repos toutes les 9h de courses...
On s'affaire, recharge des Camels. Gilles est là, en profite pour me donner un anti inflammatoire, et nous attaquons la descente. Terrible descente.... Nous sommes à 2000m d'altitude et devons passer à 300m.
Notre classement est juste incroyable, il semblerait que les messages affluent sur mon tel, je suis énormément suivi.... Tant mieux si je peux procurer des émotions, des envies à toutes ces connaissances...
Je pense à mon coach à cet instant, me dit qu'il doit être fier de nous (avec Stéphane) en ce moment, mais que rien n'est joué et que rien ne sera super tant que l'on n'aura pas franchi la ligne.
Elle est loin la ligne encore, il doit rester un marathon à courir.... Et un marathon en montagne!!! Mais comme il me l'a dit avant le départ, “Ton physique te fera tenir debout, ton mental te fera avancer”.
La descente est géniale au début, on avance vite, l'anti inflammatoire me fait du bien, j'ai juste mal...La douleur n'est pas insurmontable !!
Au 2/3 de cette descente, une brume immense, épaisse, nous empêche de voir correctement, on réduit l'allure, il a plu visiblement. Une boue collante qui s'accroche à nos baskets. 2 ou 3 fois, je vais pour me faire une entorse.... Heureusement, la proprio, travaillée quasiment toute l'année me rattrappe ... Merci Jean Christophe et ORTHORUN !!!
Nous arrivons à la route, le ravito approche, tout le monde est là...Nous passons au ravito (2 crêpes enfillées, en marchant....) et nous changeons de chaussures et chaussettes, je me fais soigner les pieds, j'ai des crevasses énormes, plus de peau sur quelques orteils, on me bande de partout....
Merci les filles, merci Gillou, papa, maman...Les enfants dorment dans la voiture, on se verra plus tard...
C'est à ce moment précis que nous tendons l'oreille: “En effet, la radio d'un habitant du coin, a plein volume annonce en direct l'arrivée de JORNET...Ma réaction est immédiate: “il arrive seulement maintenant”?? Purée, nous n'avons pas tant de retard, 28 kms...
Gilles m'annonce également que sur Reunion 1ère, la radio en direct du grand raid, on parle de moi, d'une remontée superbe !! Ah lala...Allez, faut continuer, persévérer...Nous filons.
Je reprends un anti inflammatoire et nous repartons.... Ce ravito plus long que prévu, à cause des blessures permet à Nerea de passer devant....Nous ne la reverrons plus!! Nous repartons pour 45' afin d'arriver au ravito.
Surprise, Georges est là pour nous donner du courage, nous dire qu'il nous suit depuis plus de 16h... Il nous annonce 17 et 18ème....Enorme!! A peine croyable.
Remontée quasiment jusqu'à Dos d'ane, mais cela ne nous fait pas peur car elle n'est pas très raide et nous pouvons marcher rapidement. Ce que nous craignons le plus est la redescente vers la Possession car le sentier est très scabreux. Cela m'aurait avantagé en temps normal mais là, avec ce genou, cela devient très difficile de courir convenablement.
La montée se passe bien, sans souci, longue certe mais sans difficulté importante. La seule difficulté qui survient un moment est le sommeil et une envie de dormir importante. Je chasse cette idée de ma tête et me demande si je suis en train de dérailler ou quoi....”17ème et puis quoi, tu veux dormir 2h peut être....” N'importe quoi... Surtout que Stéphane lui ne dit rien!!!
Pointage effectué en 28h47, soit 17 min de retard sur les prévisions. Mais ces 17 minutes ne sont pas une baisse de régime de notre part. Lors de notre reco, nous n'avions pas emprunter le bon sentier et il était beaucoup plus court...
RATINEAU – POSSESSION, 30h36, Km 149, 17ème (prevision 30h15)
Sacrée descente, je me place en tête afin que Stéphane puisse me suivre sans trop de difficultés. Cependant, il est très compliqué de se suivre car il faut sans arrêt s'accrocher à des branches.
Je l'entends plusieurs fois dire que c'est n'importe quoi cette descente...J'en rigole interieurement...
Tout se passe plutot bien, nous avons terminé la portion scabreuse et nous appretons à finir cette descente tranquillement. Une petite remontée et le tour sera joué...Sauf que, en une fraction de seconde j'entends Stéphane se “casser la gueule”. Je me retourne, je ne le vois pas, “Tout va bien”??
Pas de réponse...J'attends, enfin il arrive, il me dit que ça va.... Je continue d'avancer, on en termine avec cette montée terriblement raide. Il nous reste quelques kms roulants avant de rejoindre La possession.
Stéphane ne va pas bien, il est courbé en deux....Putain, il s'est bloqué le dos et ne peut plus se redresser.
Je ne sais pas trop quoi penser de cette situation, on en parle pas vraiment durant cette descente qui n'en finit plus. Nous réduisons l'allure mais essayons tout de même de courir...
Entre mon genou et son dos, nous voila estropiés...
Il reste une vingtaine de kms et il va bien falloir se faire violence, ce n'est pas le moment de mollir, surtout que physiquement tout va plutot bien.
Stéphane est courbé en deux, c'est monstrueux de pouvoir courir comme cela. J'essaie à un moment donné de faire de même, afin de ressentir ce qui se passe dans son corps. Je me relève au bout de 10 sec:”Putain, comment va t'il faire, il va rester au moins 6h de course avant l'arrivée”...
Bref nous arrivons au ravito de la Possession, ça sent bon l'arrivée à cet instant ainsi que la perf de dingue...
Nous avons perdu pas mal de temps mais personne ne nous dépasse, nous sommes seuls au monde depuis une quinzaines d'heures en fait... Nous ne croisons en effet pas énormément de coureurs.
Stéphane demande à voir quelqu'un, il est persuadé qu'il faut juste se faire débloquer et qu'il pourra repartir comme si de rien était...
Une femme s'occupe de lui, j'en profite pour rester avec Audrey, les enfants, mes parents. Gilles s'occupe de mon genou, j'ai le regard un peu dans le vide mais je ne me sens pas plus fatigué que cela, je serais capable de faire un finish de malade si mon genou était au point. Malheureusement, j'ai un mal de chien... Et puis de toute façon, cela dépendrait également de Stéphane..
Au bout de quelques minutes, retour de Stéphane, redressé, je suis soulagé...
On remplit les gourdes et partons. Nous serons finalement restés pas trop longtemps au ravito. Le suivant n'est pas très loin, chemin des anglais!!!
On repart en courant, sur toute la partie de route plane. Puis on attaque la montée du chemin des anglais.
En une fraction de seconde, j'ai une douleur plus vive que les autres au genou. Il gonfle en 3 secondes et j'ai beaucoup plus mal, sans pouvoir dorenavant plier la jambe correctement.
Stephane de son coté est a nouveau courbé en deux. On essaie de lui dégoter 2 cannes afin de l'aider à se redresser mais cela est dur quand même. Il préfère s'en débarasser.
Il fait des efforts surhumain... Je suis complètement impuissant. A cet instant, malgré notre faible allure, je ne pourrais pas aller beaucoup plus vite que lui. J'ai un mal de dingue !
Dernière descente avant la grande chaloupe, très raide, mais cela passe. Nous retrouvons la famille pour ce qui est de l'avant dernier ravito.
Gilles s'occupe de Stéphane afin d'essayer de le soulager. Les minutes passent mais personne ne nous rejoints. Les écarts sont considérables me dis je!!
J'en profite pour discuter avec Pierrick, un ami qui a suivi toute ma course et qui a pu s'arrêter pour nous faire un coucou car sa femme a pris le départ de La Mascareigne ce matin à 4h du mat.
Sa présence est superbe, cela me fait plaisir de le voir, mais je n'ai pas l'impression d'avoir pu lui dire...
Nous repartons avec une farouche envie de conserver notre place. Stéphane me dit qu'il va se battre comme un lion.
La montée longue mais régulière se passe mais nous n'allons pas très vite. Un coureur nous dépasse...Je le vois de loin, c'est sûr, on ne pourra rien contre sa vitesse. Cela ne me gêne pas beaucoup, je me dis qu'il faut que l'on reste dans le top 20.
Stéphane enrage lui.
On arrive à la route de la montagne, à quelques kms du Colorado. Un autre coureur nous double, puis un autre. Je fais les comptes...On doit être 20 et 21.
Des longues portions de route sur plat arrive ainsi que quelques descentes...on ne court pas, Stéphane s'accroche mais nous ne pouvons aller plus vite.
Mon genou me fait moins souffrir bizaremment. Ca y est, je vois la boule du colorado.. .merde, elle est loin. Beaucoup plus loin que ce que je pensais...
Je commence à gamberger... A ce rythme, nous allons perdre le bénéfice de tout notre travail, notre progression.
Stéphane enrage à l'idée que l'on se fasse dépasser, il est mal par rapport à moi. Il veut que je m'en aille, que je finisse seul alors que nous avions prévu de faire route ensemble jusqu'à l'arrivée... Je ne saisis pas à ce point sa volonté, je pense juste qu'il enrage que l'on se fasse doubler.
De mon coté, des sentiments confus me troublent. Je bouillonne interieurement. J'ai du mal à le quitter, je sais que sans sa présence, je serais à des heures de l'endroit où nous nous trouvons. Je lui dois tellement...Il a tout gérer, l'intensité de la course, la nutrition, les ravitos, la stratégie...
Mais à présent je meurs d'envie de partir mais je n'ose pas le lui dire...Il se passe 15 minutes affreuses pour moi. Il s'est passé tellement de fois dans ma vie ces moments où le choix de faire passer sa personne et ses intêrêts avant ceux des autres étaient tellement difficile pour moi....
mais là, purée, il s'agit peut être de la meilleure course de ma vie, comment ne pas saisir cette opportunité.
Si je reste avec stéphane jusqu'à l'arrivée, je pense et lui aussi que nous perdrons une vingtaine de places... Alors, je serai meurtri et cette idée me donne envie de pleurer.
Et puis d'un coup, le déclic: “Seb, si tu ne le fais pas pour toi, fais le pour les gens qui se sont investis autour de toi. Si tu mérites d'être dans les 20, il faut l'être, cela serait un manque de respect pour Eric, pour Audrey, mes parents, Jean Christophe”.
Alors, je prends mon courage à deux mains et me retourne: “Steph, je suis mal, j'ai le sentiment de devoir partir par respect pour ceux qui se sont investis pour moi.” C'est dur. Par contre je ne crains pas sa réaction, je sais qu'il comprendra.
“Mais bien sûr, dégage de là!!! Je suis plus mal que toi encore, un sentiment de culpabilité”...
“Je serai soulagé quand tu seras partis”!!!
“Je reviendrai te chercher dès que j'aurai passé la ligne” lui dis je!
Quel soulagement, quelle réaction de Stéphane!!!, je pars en courant dans la montée qui nous fait fasse. Je me retourne une dernière fois, “Accroche toi, et surtout n'abandonne pas..”T'inquiète!!
Je sais qu'à partir de ce moment, comme l'année dernière, mon finish va être redoutable.
Je sais que je fais fournir un effort de dingue. Il me faut rattrapper les 3 ou 4 coureurs qui nous ont doublés.
Je cours comme un malade, essaie de faire toutes les montées en trottinant. La violence de l'effort me fait mal mais je décide de ne pas m'écouter une seconde.
Seb, il te reste à tout casser 1h30 de course, ce n'est pas le moment de gamberger, tu es libre comme l'air à présent, fais le également pour Stéphane, montre lui que tu ne l'a pas quitté pour rien. La montée est redoutable, plus longue que ce que je pensais et enfin, je rattrappe le 1er coureur, il marche, n'a pas l'air en super état.
Lorsque je le passe, je vais vite même si je ne peux pas tenir cette allure afin qu'il ne puisse pas s'accrocher... le 2ème coureur est en vue, là aussi, j'accélère en le passant et essaye de faire une impression de facilité, mais la réalité est bien différente.
Enfin, le 3ème coureur est là, celui là m'a l'air plutôt bien facile. Je décide de ne pas faire de bruit jusqu'à sa hauteur afin de le surprendre... Je le ferais même sursauter..
Nous sommes à la fin de la montée. Il ne reste que de la descente jusqu'au dernier ravito avant l'arrivée, le Colorado. Je n'écoute pas la douleur que provoque mon genou et cours le plus vite possible mais mon allure n'est pas extrèmement rapide.
De plus, les 2 coureurs que je viens de passer se sont rejoints et font course commune.
J'arrive au ravito, le dernier... mais pas le temps de l'apprécier. Les 2 coureurs me collent et pointent juste 1min après moi...
Quelques mots échangés avec Audrey, Gilles m'encourage., me soutient, me donne les derniers conseils. Je décide d'essayer de saper leur moral et dès qu'ils pointent, je m'enfuis, je ne veux pas qu'is me voient, je ne veux pas leur donner espoir...
Je file comme un fou, la douleur est omniprésente, j'essaie de trouver une compensation!! Je sais que je descends bien mais je ne suis pas rassuré, je ne vais pas a l'allure habituelle. Mes doutes se confirment lorsque j'aperçois l'un des 2 coureurs un lacet plus haut que moi.
Il veut donc me passer avant la ligne.
J'hésite un moment; dois je le laisser passer et protéger mon genou?? La réponse vient toute seule, “tu vas accélérer progressivement et dans 4 à 6 minutes, si il est toujours derrière, dans ce cas il ne sera plus question de perdre cette place”.
L'accélération n'a de progressive que le nom... L'esprit de compétition est plus fort que mon écoute interieure, j'accélère pour de bon. Et là, par miracle, plus de douleur au genou, alors, plus de question, plus de minutes qui tiennent..
Je pars comme un fou, dévalant à toute allure cette dernière montagne. Je vois le stade en bas, j'imagine ce que je vais ressentir dans quelques instants.
La difficulté pour moi est de ne pas tomber car en plus de devoir être vigilant à cette allure, je dois jeter sans arrêt des coups d'oeil dans le rétro pour voir où en est mon poursuivant.
Nous passons sur un terrain un peu à découvert et ne le voyant plus, je sais que je vais pouvoir concerver ma place, que je ne connais pas d'ailleurs...
Dernière descente, j'arrive à la route, une bénévole me voit arriver comme un dingue et me dis de profiter maintenant mais je ne suis pas tout à fait rassurer, j'accélère encore sur la portion le long de la route.
Comme l'année dernière, j'entre sur le stade et vais pouvoir passer la ligne en compagnie de Mathilde et Tristan, quel moment de bonheur.
J'aperçois Audrey dans le virage, les enfants accourent vers moi, on se tient la main et filons vers cette ligne d'arrivée.
Nous sommes acclamés par le commentateur, les bénévoles qui m'annonce 17ème. Je regarde le chrono, 35h39!!!
Une joie immense m'envahit. Eric est là, on se serre dans les bras, il me félicite... Je suis fier de ma course et je pense qu'il l'est également. Tous les amis, Papa, Maman, Audrey, Gilles, Arnaud, Mathilde sont là. On est tous impressionné (moi le premier) par la performance que je viens de réaliser. Jamais dans les rêves les plus fous, je me voyais dans le top 20 du Grand raid cette année.
Je m'assois, interview du Quotidien, je suis dans le vague...
Mes premiers mots vont droit au coeur de ceux qui m'aident à réaliser cette performance. Cette victoire est avant tout collective. Je ne suis pas grand chose sans l'aide quotidienne d'Audrey, de mes parents, sans la programmation d'Eric, sans les soins de Jean Christophe. Je pense également à Gillou...
Ma seule performance finalement aura été de m'entourer de personnes compétentes, investies dans mon projet. Comment ne pas remercier tous ceux qui m'entourent et font que cette performance est également la leur.
J'ai une pensée pour Stéphane evidemment. Je me suis vu plusieurs fois durant la course passer la ligne en sa compagnie, les bras levés au ciel. Il devrait être avec moi en ce moment sans cette maudite chute, en train de partager notre moment. La pression retombe, mes jambes deviennent très dures, il s'est passé plusieurs minutes depuis mon arrivée, je ne réalise pas du tout à fait la performance mais je sais que je viens de réaliser quelque chose de grand.
Je n'aspire pour l'instant qu'au repos, je vais prendre une douche. Stéphane me dit on , a déja pointé au Colorado, il sera là dans une petite heure...Purée, déja, incroyable le bougre!!!
Je le vois arriver courbé, avec tous les enfants, il se redresse pour passer la ligne, guerrier jusqu'au bout...il est pris en charge par l'équipe médicale, je ne le retrouve qu'allongé sous la tente.. On se serre, se félicite et commençons à se remémorer cette incroyable course.
Evidemment, il n'est pas question de se projeter sur quelque aventure que ce soit, nous aspirons juste à récuperer, se reposer.
La semaine qui a suivi le grand raid a été très difficile. Mon genou m'a fait horriblement souffrir. (Grosse tendinite du TFL). Fatigue importante, sommeil perturbé, travail à l'échappée belle....
Je me serais réveillé 4 fois par nuit pendant 5 jours, complètement trempé de sueur.... Il semblerait même que finalement le grand raid ait été le moment le plus calme, le moins compliqué a gérer....
Je suis toujours dans l'état d'esprit de me reposer, de me soigner le mieux possible et de reprendre tranquillement le sport avec du vélo, de la natation et je l'espère les tournois de tennis en Décembre.
On me demande souvent si je compte participer au grand raid de l'année prochaine. Ma réponse est simple, je dois en discuter avec Audrey, nous devons trouver une harmonie familiale et il n'est pas question de tout perturber pour une course. Mais mon ambition, vous pouvez l'imaginer n'a jamais été aussi grande qu'aujourd'hui....
Vous êtes la personne la plus importante dans la réussite de votre rêve ..
lire la suite ...Souvent "en bout de piste", pour reprendre l'expression de certains, ils nous expliquent comment la pédagogie soyez P.R.O et Ronan (ci-joint en préface), au travers des formations suivies, les aura bousculé, avant de laisser place à la compréhension et au renouveau. Ces 3 lettres que sont Pauser / Respirer / Observer et Oser sont au coeur de notre démarche et au service de mots tels que le Calme / le détachement / les émotions / la concentration / l'estime de soi. Si vous aussi souhaitez être curieux et mieux appréhender la notion de performance, découvrez ce magnifique ouvrage. Enfin, des spécialistes se sont joints à nous et nous livrent eux aussi leurs regards d'experts !! En message privé, merci pour la commande ! Disponibles sur place,
lire la suite ...J-1 .. Les sacs de ravitos sont prêts, toute la diététique de la course, menée de main de maître par Stéphane est au point..
lire la suite ...Sébastien Tholozan
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